![]() C’est moi qui vous envoie ce message mais ce sont mes enfants et mon aimée qui le mettent sur papier. Pour ma part, je n’arrive plus à trouver mes mots. Je sens encore ce que je veux vous dire, le message que je veux vous laisser, mais je n’arrive plus à le transposer dans un texte. Un cancer s’est infiltré dans mon cerveau. Il a dévoré mes mots, il a détruit ma connaissance des langues, et pris d’assaut mes facultés. De plus, il ne m’a laissé que quelques jours à vivre encore. Mais malgré lui, je comprends encore beaucoup. Surtout la compréhension des sentiments, qui n’exigent pas de mots, je n’ai rien perdu de la force ni de la profondeur qui étaient miennes. Ce que je ressens et ce que je comprends; ce dernier message, c’est ce que je veux partager avec vous. C’est bien ainsi. Il y a bien sûr tellement de choses que j’aurais encore aimé vivre, découvrir, de nouveaux stimulus que je voudrais aller chercher. Mais les choses en sont autrement, et je ne suis pas quelqu’un qui va se lamenter et regretter ce qui aurait pu être. Je suis content de la vie que j’ai vécue, avec les personnes que j’ai connues et aimées, avec les moments que j’ai pu partager avec elles. Empruntant les mots d’un de mes auteurs favoris: Confiezo que he vivido (J’avoue avoir vécu). Ma vie est accomplie, je me sens content et m’approche de la mort dans la sérénité. Pour pouvoir partir dignement, je désire choisir moi-même l’heure de ma mort. J’aimerais que toutes les nombreuses personnes qui me sont chères puissent comprendre cela, et même puissent ressentir — comme je le ressens moi-même — que c’est bien ainsi.1 Pour terminer, un poème que j’ai écrit il y a quelques années en espagnol: |
Cuando siente la plenitud de las horas un elefante se va a morir solo. Y cuando mis manos ya no sirvan para nada, ni para acariciar, ni para escribir o labrar madera, Subiré lentamente las sendas antiguas veré las blancas nieves de antaño, |
Quand il ressent la plénitude des heures un éléphant part mourir seul. Et quand mes mains ne serviront plus à rien, ni pour caresser, ni pour écrire ou travailler le bois, Je monterai lentement les sentiers antiques je verrai les blanches neiges d’antan, |












Quel magnifique poème. Quel courageux choix. Que d’émotions…
Courage et amitiés à la famille, ses proches.
André DROUART